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5/07/2014

On peut établir un certain nombre de caractères propres aux naufragés


"J’ai commencé le Crusoé de Defoe, achevé le Robinson de Tournier et le Robinson des mers du Sud, récit des six années de Tom Neale sur l’île déserte de Souvarof.
On peut établir un certain nombre de caractères propres aux naufragés. Ces traits communs dessinent la figure archétypique du solitaire jeté sur un rivage.
—  sentiment d’injustice au moment du naufrage suivi de malédictions à l’endroit des dieux, des hommes et de la marine à voile en général.
—  naissance d’un léger syndrome mégalomaniaque : le naufragé se persuade qu’il est élu.
—  sensation d’être le seigneur d’un royaume et de régner sur les sujets animaux, végétaux et minéraux (…)
—  besoin de confirmer sans cesse le bienfondé de la vie solitaire en se pénétrant à tout propos de la beauté de cette existence.
—  oscillation contradictoire entre l’espérance d’une prompte délivrance et la répulsion du contact avec un semblable.
—  panique à la moindre intrusion d’hommes sur l’île.
—  empathie avec le monde naturel (elle peut mettre plusieurs années à naître).
—  souci d’alterner les temps d’action, de méditation et de loisir selon un rythme très codifié.
—  tentation de transformer chaque moment de l’existence en un jeu mis en scène.
—  sentiment légèrement euphorisant de tenir un rôle de veilleur en marge d’une humanité dévoyée.
—  risque de contracter le syndrome de le tour d’ivoire dont la forme grave consiste à se considérer à la fois comme le dépositaire de la sagesse universelle et le rédempteur des péchés des hommes."
 
Sylvain Tesson

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