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11/20/2016

J’en accepte d’avance tous les risques.



« Depuis quelques temps, je porte mon 38 en per­ma­nence dans un hol­ster d’épaule. L’ajuster, véri­fier le bar­il­let et m’admirer dans le miroir font par­tie des rites matin­aux. Je me sens bien. Je suis le plus beau, le plus fort, et ce truc froid sous mon ais­selle, c’est la puis­sance. C’est la mort aussi, et j’en suis con­scient. C’est mon choix.
Porter une arme, c’est réduire son espérance de vie, c’est un défi per­ma­nent, un autre stade dans l’illégalité. Si par­fois elle peut sauver la mise, elle sig­ni­fie aussi la com­pli­quer. Être en mesure de tuer sig­ni­fie aussi devoir affron­ter de la part de l’adversaire une réac­tion beau­coup plus forte. Une arme, il faut l’assumer. Mais j’ai décidé que cela fai­sait par­tie du per­son­nage que j’ai créé et je m’en servi­rai quand il le fau­dra. J’en accepte d’avance tous les risques.
J’ai vingt-trois ans, la folie de la jeunesse et tout me réus­sit. Chaque matin, je m’offre mon petit défi per­son­nel. Je joue à la roulette russe avec moi-même. Une seule balle, un geste du poignet et clic! Mais je sais quel mou­ve­ment je dois don­ner quand je fais tourner le bar­il­let avec le doigt pour faire en sorte que la balle se retrouve vers le bas. Puis j’appuie le canon sur ma trempe.
Fou, peut-être. Mais incon­scient, pas du tout. Je relève tou­jours le canon de quelques cen­timètres une frac­tion de sec­onde avant d’appuyer sur la détente. Le clic mati­nal du chien qui frappe à vide me con­firme dans la pen­sée que j’ai encore gagné et que la journée sera belle. Ça m’a servi à impres­sion­ner Bobby et Harry, réelle­ment admi­rat­ifs devant tant de courage. Ils ignorent que, grâce à un geste répété des cen­taines de fois, je sais per­tinem­ment que je ne cours aucun dan­ger. Cela, ils n’ont pas besoin de le savoir. C’est pour cela que je suis le chef!
Mais, ce matin, la balle, en se logeant dans le pla­fond, m’a rap­pelé que je n’étais pas infail­li­ble. Ce n’est ni la déto­na­tion ni la brûlure sur la peau de mon crâne qui m’ont aba­sourdi, mais le retour à la réalité. »
Par­o­die, Cizia Zykë, 1987.

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