Rechercher dans ce blog

10/05/2015

Jacques Perret le mutin


Mutin, Jacques Perret l’est des pieds à l’âme. A la pointe de toutes les révoltes sacrées. Sa vie ? Une Odyssée moderne qui prouve qu’au siècle des robots un esprit libre peut encore déguster l’aventure. Tour à tour soldat au Maroc, dessinateur en Suède, courtier en librairie, graveur, professeur, journaliste, pêcheur de bonites au Honduras, porteur de bananes au Nicaragua, bûcheron au Canada, travailleur saisonnier au Manitoba, explorateur, chercheur d’or en Guyane, géographe, ethnologue, paysan en Touraine, viticulteur, hôtelier et enfin romancier, nouvelliste, chroniqueur et polémiste à Paris. Plutôt qu’un ton, il avait trouvé une voix. Plus qu’un style, une malice.
Qui aujourd’hui le poursuit? Une poignée de nostalgiques, et quand bien même, cela suffirait à maintenir vivant cet écrivain si français disparu en 1992. Mais ne vous méprenez pas : ces lecteurs-là ne regrettent pas tant une époque qu’une certaine manière de s’en sortir avec les mots, de nouer la langue commune à la langue classique pour la faire sourire. Folliculaire de la réaction, écrivain du transcourant, styliste hors-pair qui buvait avec soin afin d’éviter tout faux-pli dans le jugement, il eut la faiblesse de ne jamais dire non à l’aventure et au voyage. Il tenait la littérature pour un art d’agrément qui aurait pris tournure de gagne-pain. Luxuriance du style et vocabulaire richissime. Ajoutez-y périphrases et métaphores de qualité, un humour finement ciselé, et vous avez là une cuvée qui vous fait claquer la langue française au palais.
L’oeuvre de Perret conjugue au présent la première des vérités temporelles ; l’incompatibilité entre l’augmentation constante du niveau de vie et le maintien de la qualité de la vie ; la certitude que dans les sociétés libérales la loi du marché, frénésie contraignante, exaspère la sauvagerie du capitalisme et, dans les sociétés encasernées, l’étouffoir d’une bureaucratie omniprésente et parodique ajoute le ridicule à la cruauté bestiale d’un Etat policier. Bref, qu’on ne gouverne pas les hommes par la seule efficacité économique et la promesse d’un progrès social infini ou par une pensée messianique organisée selon la méthode de la terreur jacobine et expérimentée comme un nihilisme en transe.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire