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8/23/2014

Condamné à l'argent


Je suis condamné à mon argent, je ne peux aimer personne, pas même moi, mais je hais tout le monde. Mon régal, c’est de lire dans les journaux les listes de fusillés, le compte rendu des procès, les dénonciations. Ça me fait jouir. Des juges bien dégueulasses, des journalistes indicateurs, des besogneux de la Résistance et des vaniteux, qui hurlent à la mort ou qui vendent leurs copains pour une petite place au soleil ou un reflet à la boutonnière, et les bons cons de la collabo, les sincères, les paumés, les salauds aussi, tout ça en vrac au poteau, en prison, aux travaux forcés. Ça me fait jouir. Ça me fait jouir. Moi le gros dégueulasse, le vendu numéro un, je suis considéré, le préfet à mes bottes, les sourires de monsieur le ministre. C’est pour moi qu’on fusille les miteux, les plumitifs, les subalternes, pour rassurer la grosse épargne. J’en suis très touché – 

Marcel Aymé, Uranus

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