"Ce qui me réveilla ce fut, se surajoutant au bruit des vagues, une
rumeur qui allait s’amplifiant, qui bientôt devint énorme, qui n’emplit
les oreilles comme une fureur : c’était une foule. J’ouvris les yeux. La
plage était colorée de monde. Les parasols étaient ouverts de tous
côtés. Les marchands de glaces et de limonades faisaient étalage. Des
corps nus étaient allongés sur tout le sable, des enfants criaient, des
garçons jouaient à la balle, des troupes entières couraient à la mer et
s’y brisaient dans des cavernes d’écumes, les nageurs revenaient au bord
étendre leurs cuisses brunies et d’une jetée de bois mille jambes
balançaient au-dessus des vagues courtes. De ce sommeil qui seul
séparait l’ombre du séminaire de la lumière crue de ce matin-là, les
routes froides de ce sable de fièvre, je m’éveillai éberlué comme un
mort qui ressusciterait au milieu d’un carnaval. Ce monde, ces cris, ces
couleurs m’emplirent d’une sorte de frénésie et j’étais ivre d’y
appartenir ; je m’étirai, je me relevai, que de monde ! que de sable !
que d’air ! que d’eau ! que d’éclats !"
Maurice Sachs
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