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7/02/2014

Pourquoi ai-je songé fugacement à un jardin zoologique

 Cap Eden-Roc, Antibes, France, August 1976. Photo by Slim Aarons

« (...) Éden Roc, le nom est on ne peut mieux choisi. C'est un Éden, ou du moins c'est l'idée que nous nous en faisons. Avec des Èves en quantité. J'en reparlerai. Que l'on tâche d'imaginer un promontoire rocheux dont la pointe descend vers la mer. Sur cette pointe, un grand bar. Dans ce bar, des fauteuils, des consommateurs et un nombreux personnel. Vous vous asseyez là et vous regardez devant vous. Quoi ? Il y a une piscine pour ceux qui n'aiment pas la mer ; des matelas, de nouveau, d'une jolie teinte ocre, pour ceux qui n'aiment pas le sable ; des parasols multicolores pour ceux qui n'aiment pas le soleil. Ah ! c'est parfaitement organisé ! Ainsi pas de contact avec la mer et le sable qui sont plus ou moins propres, pas de contact non plus avec le soleil qui peut être parfois gênant et qui, en tout cas, risque d'être nuisible aux épidermes délicats. Et Dieu sait si les épidermes sont délicats à Éden Roc.

Pourquoi ai-je songé fugacement à un jardin zoologique, à un aquarium ?... Parce que, là aussi, je ne pouvais que regarder sans trop m'approcher, sans toucher surtout, et que l'on exposait également des êtres rares, d'un grand prix, évoluant dans leur milieu habituel.

Vue de haut, la mer semble plus transparente, plus pure qu'ailleurs, une eau d'une qualité spéciale, dirait-on. Voilà bien la toute-puissance de l'argent dont on parle beaucoup : une autre eau, un autre air. Les éléments même sont à vendre. Tristes temps que nous vivons.

Qui étaient ces gens que je côtoyais frauduleusement ? Des Américains en majorité, m'a-t-il paru. Et c'est maintenant que je voudrais parler un peu des femmes d'Éden Roc, si j'en suis capable.

Mais d'où sortent-elles donc ? On n'en voit nulle part de pareilles, si ce n'est, de loin, au cinéma. Après tout, ce sont peut-être des stars. Elles se tiennent d'une façon très particulière. Où cela s'apprend-il ? En quelle école enseigne-t-on ces manières de dédain ? Comment acquiert-on cet inimitable regard vide ? Sont-elles aussi comme l'eau de mer, plus pures que les autres femmes ? Comment les obtient-on ? Contre de l'argent ? Et combien cela coûte-t-il ? (...) »

 Henri Calet, extrait de la chronique « A la rencontre d'Éden Roc »

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