« (...) Ce sont les derniers jours
agréables. Je l'entends pour l'isolement et la tranquillité. Les chalets voisins
ne vont pas tarder à être occupés. Cela commence déjà. Les gribouilles en
vacances vont bientôt affluer, avec leurs cancans, leurs bavardages, leurs
allées et venues, leurs rires, tout leur bruit stupide et leur odieuse
animation. Déjà, dans mon grenier, je suis obligé, par moments, de fermer la
porte pour ne pas entendre le caquetage des premiers arrivants. Il faut venir
ici dans les premiers jours de juin, quand il n'y a encore personne, ou dans les
premiers jours d'octobre, quand tout le monde est parti. En pleine saison, avec
la manie de chaque propriétaire de chalet d'avoir des locataires, c'est une
vraie foire. Mieux vaut rester chez soi. On ne va pas à quatre cent cinquante
kilomètres pour retrouver les gens de la Bourse. (...) »
« (...) Je vais chaque jour faire les
commissions. Je passe sur le port. Là, se trouvent les principaux hôtels à
voyageurs. Là, les baigneurs se promènent et se font voir. Des commis, des
employés, des commerçants enrichis. Un joli spectacle. La bêtise, la vulgarité
humaines sont là dans leur plein. Des hommes de quarante ans, de plus vieux,
ventrus, déformés, le visage ruiné, du poil sur la figure comme un animal,
s'exhibent, la poitrine à l'air, avec ces chemises au col démesurément ouvert
qui sont d'un si mauvais goût. Presque tous sont vêtus de neuf. Il leur a fallu
une tenue spéciale pour venir ici, depuis les chaussures jusqu'à la casquette.
Il faut les voir plantés à l'extrémité du môle, contemplant, sous leur visière,
l'horizon de la mer, avec des airs de connaisseurs. Ils font ma joie. Je
m'arrête à les regarder, tant ils représentent pour moi de comique humain. (...)
»
Paul Léautaud, extraits de la chronique
intitulée « Villégiature »,
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