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2/25/2016

Mille manières de mourir



“Sans doute le suicide est rare parmi les jeunes, (…) du reste, il y a mille manières de se laisser mourir sans la grossière mise en scène du sang répandu. Le plus commode est de renoncer à la volonté de savoir, à l’âpre curiosité de sonder l’inconnu : on s’abandonne au flot comme une épave ; on prend les opinions toutes faites et on les répète par habitude, on méprise tout effort, on s’irrite contre toute audace…”


Elisée Reclus, L’idéal et la jeunesse,  1894

Notre société n'a que des banques pour cathédrales


« L’âge des héros rebâtira un pouvoir ; il n’est pas de grand siècle du passé qui ne se soit donné cette tâche (…). Notre société n’a que des banques pour cathédrales ; elle n’a rien à transmettre qui justifie un nouvel « appel aux conservateurs » ; il n’y a, d’elle proprement dite, rien à conserver. Aussi sommes-nous libres de rêver que le premier rebelle, et serviteur de la légitimité révolutionnaire, sera le Prince chrétien. »

Pierre Boutang, “Reprendre le pouvoir”,

2/22/2016

"A Moy Que Chault", l'enfant caché de Xavier Eman

Club roger nimier



Il n'a pas la tête de l'emploi, quelques poils gaulois sous un nez épais, le cheveu haut sur le front et le regard indolent. Plus anti-héros moderne que zentropiste italien bodybuildé et sur-tatoué de roses rouges, Xavier Eman, un nom plus qu'un visage, identifié succinctement comme "journaliste indépendant", rédige des piges pour les sites non conventionnels : Boulevard Voltaire, Novopress, la Dissidence ou écrit des articles pour la revue Présent ou Livr’Arbitre. Ajoutons les multi-re-post du blog-aspirateur-régurgiteur Zentropa.info et ses remoras ; et voilà toute l'empreinte médiatique de ce discret rédacteur. Mais qu'importe ! la plume est affûtée et vive au service d'un angle d'attaque original.
Nous avons découvert Xavier Eman par son blog « A Moy Que Chault », son enfant caché depuis octobre 2014, où il appelle de ses vœux : « une aube immense et rouge ». Projet qu"il affiche au fronton de son blog en y plantant une affiche subversive (ou pas), comme un nœud à son mouchoir. Au fil des billets on le découvre grincant contre les petits cons coincés entre leur fausse morale chrétienne et leurs vraies aspirations bourgeoises. Il dénonce avec verve les élans virils, les affirmations sanguinaires, les extrémités rigoureuses qui finissent par s’étioler dans la bibliothèque-salon-bureau de papa ou sortir prématurément entre les seins d'une putain algérienne (les palestiniennes antifas étant plus rares) en écoutant les premières notes du Mutter de Ramstein.
Il est bien Xavier, sur son blog. On se sent entre potes à discuter sans se mentir de valeurs, de famille et de civilisation. On suit le fil des états d’âmes du sombre François et les dialogues eroticos-comicos-réactionnaires d’Elle et de Lui. On y parle d’aujourd’hui, d’Ikéa, de l’oncle Gérard qui aime caresser les cuisses pré-pubères au bord de la piscine familiale, de Jeannot (25 ans de SNCF dont 10 de détachement syndical), du bruitage de la politique moderne, de l’IPhone 6, du boulot de merde, du vice des zad-fascistes-antifas, de la tromperie des faf-camarades-hipsters, des filles vulgaires qui s’appellent Enguerrand ou Marie-Adeline, des Pegidas, des muzz, des noirs, des Podemos, des tout-ça-c’est-la-même-choses, des emmerdeurs, des « qu’ils se les carrent profondément dans le cul » dans une époque où c’est à la mode. On se souvient également des vieilles pierres, des origines provinciales de la famille… on n’affirme pas « avant c’était mieux » ou « je te l'avais bien dit ».
Et puis, il y a le refrain « la, la, la, », lo spirito di Roma, les affiches de conférences, il cite Lamartine, Farida Belghoul, Hervé Juvin ou Guy Debord, fait de la réclame pour l’absinthe, le train de nuit Paris-Rome, demande à ses lecteurs d’écrire des lettres à des potes logés Casa Circondariale di Viterbo.
A moy que chault est un des blogs que nous visitons régulièrement car il est le seul à réussir cet exercice périlleux de parler sans prétention, sans bouche en cul de poule, sans morgue postillonnante ou effets de manche, de la joie de servir, du courage des vieux cons, de la croyance en la jeunesse, du oï oï oï, « d’un petit pays, un petit bout de terrain qui ne ressemblera pas à grand-chose, fait de littérature, d'amitié, de souvenirs, de chants, de rêves, de délires, de douleurs et d'enivrement ».
RNHC

Tout risquer


"C'est seulement quand on a tout perdu qu'on est libre de faire tout ce que l'on veut"

 Chuck Palahniuk

Plagiat et tradition


"Tout ce qui n’est pas Tradition est plagiat" -Eugenio d’Ors 

Des traits du visage qui reviennent ancestralement

Club roger nimier



« Les œuvres successives sont ainsi comme les villes élevées sur les ruines de cités antérieures ; elles ont beau être neuves, elles matérialisent une certaine immortalité, assurée par d’antiques légendes, par des hommes de la même race, par des crépuscules et des aubes semblables, par des yeux, des traits du visage qui reviennent ancestralement. » - Ernesto Sábato, L'Ange des ténèbres

2/10/2016

Rien n’est plus beau qu’un homme lorsqu’il s’avance.


Rien n’est plus beau qu’un homme lorsqu’il s’avance. Le soldat qui sort du rang et déclare qu’il est volontaire. Le torero qui s’arrache hors du burladero, chasse ses péones et déploie sa cape. Et, en image naïve, le cow-boy qui entre dans le saloon, fend l’assistance pétrifiée et se dirige vers le bar. Tout craque dans le cœur des autres hommes, lorsque l’un des leurs avance de deux pas, se détache du rang et forge ainsi tout autour de lui la barrière infranchissable du respect.
Jean Cau Le chevalier, la mort et le diable.

Il sera, lui, plus malin.

« Il sera, lui, plus malin. Il se tirera, posément, une balle d'or dans une tête qu'il voulait de bronze. Salut ! Une orgueilleuse signature de sang, au bas de sa vie. La pièce est sauvée. Le comédien (le faux guerrier, le faux torero, le faux amant de mille et une Andrée et Solange) meurt vraiment foudroyé par une vraie balle, sur les tréteaux. Nunc plaudite omnes.
Tous les mensonges pulvérisés par une seule détonation. Une mort romaine puisque, ne l'oublions pas, à Rome, même les histrions savaient, à la bonne heure, mourir. Nous étions voisins. Je voyais un vieil homme, sans cou, la nuque épaisse, rose et rasée comme celle d'un général prussien, qui marchait pesamment le long du quai Voltaire, comme un toro déjà aveuglé par la mort, laqué de sang jusqu'au sabot, et qui marche en s'appuyant aux barrières, fleuri de banderilles comme cet homme l'était de gloire. Il ne regardait personne. Il ne me voyait pas - parce qu'il ne voyait plus rien - lorsque nous nous croisions et que j'étais prêt à un salut. Il arrive pourtant qu'on salue un aveugle, ce que je fis, parfois. Il marchait, le toro, vers un étrange corral où je m'étonnais qu'il engouffrât sa pesante masse : vers l'Académie française ! Quoi ! Montherlant allait assister à quelque séance ? Je n'en croyais pas mes yeux chagrinés et je veux encore assurer qu'il n'allait en ce lieu, lui, Henry de Montherlant, Grand d'imaginaires Espagnes, que parce qu'il se souvenait y avoir aperçu un jeune et triomphant huissier, beau comme Antinoüs, et pour y réjouir son regard épuisé, en devinant, comme à travers une brume, une chaîne qui brillait autour d'un cou musclé, telle une toison d'or. Je veux donc croire que Montherlant n'allait aux séances de l'Académie que par vice et volupté jamais éteints.
De longues années s'étaient écoulées depuis le jour où il m'avait reçu dans son appartement qui sentait la souris, le célibataire et le musée abandonné. Mais, Dieu ! comme elle était bizarre la position des deux fauteuils, celui qu'il me désigna, et celui dans lequel il cala, droite, sa personne. Je m'interrogeais puis, enfin, je compris. Le Maître avait étudié la chose afin de ne me présenter toujours que son profil trois quarts aux viriles arêtes et doucement irisé, comme un buste - par la lumière dispensée avec mesure par la haute fenêtre donnant sur le quai. A partir de là, évidemment, ma curiosité s'éteignit et mon propos, et en retour le sien, se traîna, lamentable. J'étais mal assis. Le « sujet » ne m'intéressait plus.
L'acteur utilisait de trop grosses ficelles. Adieu, Alban de Bricoules, adieu Costals ! Éteints les solstices et épuisés les équinoxes. J'étais au théâtre. Et en rage légère d'amant dupé qui voit tomber au pied du lit corset, faux cul, perruque; et s'éteindre les fards de la beauté naguère adorée aux bougies pendant que, dans le restaurant, coulait le Champagne et que miaulaient les violons. Et je pensais, entre colère et déception : « Pourquoi cette vanité ? Cette pose ? Serait-ce une angoisse ? Mais provoquée par quoi ? Par la volonté, devenue mécanique et seconde nature, de plaire? Par poursuite traquée, à tout prix, de la séduction à cause de l'âge rendue difficile ? » Questions vaines. Depuis, j'ai appris que tous les homosexuels sont « comme ça ». Ça ne décroche jamais, un homosexuel. Ça lutte, ça se bat, ça donne des coups de corne à la vie jusqu'au dernier souffle. Banderille, piqué, estoqué, pissant le sang, ça « cabecea », comme on dit dans les arènes, ça cherche la cape qui tourbillonne et la muleta qui effleure le mufle. Ça refuse de tomber sur le sable souillé. Jusqu'au descabello. Mais celui-ci, Montherlant n'attendit pas qu'il le foudroyât et il s'empala, de lui-même, sur le fer. Au fond, il y a donc, chez les grands homosexuels (Mishima, Lawrence, Montherlant…), comme chez les toros de caste, une bravoure. Sur le trottoir du quai Voltaire, congé pris de M. de Montherlant, comme je n'avais pas encore compris cela, souffrez, cher Costals, que je présente à vos mânes de respectueuses excuses. Oui, vous étiez brave. »

Jean Cau

2/04/2016

ll avait juste un défaut


Michel Tournier à propos de son ancien camarade de classe Roger Nimier : « Il avait juste un défaut, qui à mes yeux est impardonnable : il aimait les voitures. J'avoue que je trouve cela d'une vulgarité... Les voitures décapotables, c'était sa passion. J'aurais préféré qu'il aime les chevaux, ou je ne sais quoi. Non, il aimait les voitures. Et c'est comme ça qu'il est mort... »

2/02/2016

L'importation de vérités exotiques, c'est le désordre assuré.

Les bouchers mélomanes, Pierrette d’Orient à La Villette, Paris, 1953


"On saurait bien découvrir chez nous quelques éléments des bonnes choses qu’on loue dans le caractère des autres peuples et qui chez eux sont mêlés de poison pour notre tempérament. On met le désordre dans notre pays par des importations de vérités exotiques, quand il n’y a pour nous de vérités utiles que tirées de notre fonds. On va jusqu’à inciter des jeunes gens, par des voies détournées, à sourire de la frivolité française. Non point qu’on leur dise: "Souriez", mais on les accoutume à ne considérer le type français que des ses expressions médiocres, dont ils se détournent." Barrès, Les Déracinés.