Rechercher dans ce blog

9/07/2015

Gégauff, le mauvais génie de la nouvelle vague

 
Son nom est délicieusement méconnu. Nous l’avons pourtant tous distraitement vu défiler au générique de Plein Soleil (René Clément), du Signe du Lion (Rohmer) ou des Cousins (Chabrol). Romancier, dialoguiste surdoué, complice de Rohmer et surtout de Chabrol, Paul Gégauff fut quelqu’un d’ excessif en tout – femmes (souvent très jeunes), alcool (rituel premier verre devant Des chiffres et des lettres), nuits (courtes et épicées), opinions (excessives et tranchées)…
Alors que la nouvelle vague n’est pas encore née, ses futurs éminents représentants se trouvent rapidement fasciné par un obscur personnage de roman, rompu au dilettantisme et à toutes espèces de provocation, le genre d’être davantage enclin à vivre de présent et de plaisir que de « bonheur » et de conformisme. Sacré Paul Gégauff… Alsacien, salaud, scélérat, surtout « dandy »; au delà des coutures et du mythe, plutôt dans l’emphase et les principes. Sa véritable œuvre, c’est sa vie. Il a déjà publié, jouit de tous les mauvais coups, toise ces bourgeois cinéphiles en quête de sensation, d’injustice et de romanesque.  Paresseux jusqu’à l’excès, virevoltant jusqu’à plus soif, aucun vice ne l’épargne. Une rumeur tenace rapporte qu’il serait le véritable initiateur-instigateur du diners de cons. Il profitera du 7ème art pour flamber quelque temps, lever du coude, des actrices, déniaiser les joyeux lurons estampillés nouvelle vague, donner une bonne raison aux indignés de s’émousser et accessoirement scénariser quelques uns des meilleurs films de l’époque.
A part ceux qui en ont un jour entendu parler, qui sait de qui il s’agit ? Alors que sa personnalité, son phrasé et ses frasques ont inspiré Godard, Chabrol ou Rohmer, qu’il possède tous les attributs du personnage mythique, que sa gouaille recèle de virtuosités insoupçonnés, il demeure inconnu. A croire que tous s’y sont mis pour gommer sa  souterraine et sulfureuse influence. Les gardiens de mémoire ont fait le ménage.  Tout a été très proprement rangé sous le tapis. L’ombre même se faisait  encombrante. ç’aurait pu être un de ces scénarios, mais la réalité, dans sa majestueuse ironie,  le rattrape un soir de noël 1983, en Norvège: « Assassine moi si tu veux, mais ne m’emmerde pas » .  Sa jeune épouse le prend au mot et le poignarde de trois coups de couteau… Rideau.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire