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2/01/2015

Un peu de jeunesse, que diable !



Ce retour à la civilisation peut inquiéter. Les amateurs de vaudevilles, qui sont presque tous les hommes, préfèrent assurément les parents sérieux et les enfants insolents. Hélas ! les parents ne sont plus sérieux. Nous aurons cette consolation de leur mener la vie dure d’une façon différente, en nous adossant aux tables de la Loi pour condamner leurs erreurs. Nous ne nous presserons pas de leur dire que les tables de la Loi n’existaient plus et que nous les avions remplacées, en un tour de main, d’abord par notre mépris, ensuite par notre logique.     

N’empêche ! nous répondons bien mal aux reproches qui nous étaient faits. On nous accusait de démence ; bientôt on nous trouvera beaucoup trop raisonnables. On viendra nous dire : « Un peu de jeunesse, que diable ! Si vous nous aviez vus ! A votre âge, nous étions indomptables ! » Tant pis pour le monde. Nous sommes au milieu du siècle. Nous trouvons qu’il a mis un trop long temps à découvrir que le goût de l’ordre était une passion utile, puisque, seule, elle permettait toutes les autres. Nous lui reprochons encore sa honte dès qu’il s’agit de mots décisifs, comme la vérité ou l’honneur. Ce besoin que nous avons soudain d’une nourriture plus forte peut passer indifféremment pour le témoignage d’un bon appétit ou d’un cœur avide. Mais nous voici dans un domaine où l’excès sera le bienvenu.
     
Les dévots des guerres civiles peuvent se rassurer. Une génération n’est pas d’une seule pièce, elle se déchire avant de s’affirmer. Mais, sans doute, ce divertissement nous sera-t-il refusé. Nos adversaires sont d’une espèce si médiocre qu’ils sont tous prêts à se rendre : ils n’ont pas d’autre destin sur la terre. Un pas encore et nous serons les maîtres.

Roger Nimier, Le Grand d'Espagne

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