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2/14/2015

Entretien avec Alain de La Tocnaye

Depuis les combats acharnés de la guerre du Liban au sein des phalanges chrétiennes, dans une impressionnante fresque historique, la vie de Thibaut de La Tocnaye épouse étroitement les cahots de la seconde partie du XXe siècle.
 
Tour à tour officier volontaire, pourvoyeur de jeunes soldats français avides de gloire, témoin privilégié des combats, dirigeant d’association et grand ami de figures historiques des rébellions du XXe siècle, il a côtoyé ces hommes dont les victoires et les défaites ont redessiné la carte du monde : le général Ante Roso, ancien de la légion étrangère devenu général en chef des forces croates dans la Krajina, Béchir Gemayel, commandant en chef des forces libanaises puis président de la République libanaise, Alfredo Cristiani et Roberto d’Aubuisson, les vainqueurs de la guerre civile salvadorienne…

Son attachement aux résistants se lit dès les premières lignes de son ouvrage Les peuples rebelles ; il le dédicace : « A mes compagnons des résistances du monde entier, tombés pour la défense de leur terre et de la liberté ».

Le fils d’Alain de La Tocnaye, membre de l’OAS et responsable de l’attentat du Petit-Clamart dans lequel Charles de Gaulle aurait dû trouver la mort, a bien voulu répondre à nos questions et détailler ce que furent ses engagements.

Q : Vous avez eu un itinéraire à part dans le monde du volontariat et du soutien aux résistances. Avez-vous été inspiré par le parcours de votre père ?
R : Forcément, quand on est le fils d’Alain de la Tocnaye, l’homme qui a essayé de tuer un président de la République, on se forge une personnalité à part, on acquiert certaines libertés. Mais au-delà de mon père, chaque décision que j’ai prise dans ma vie a été influencée par mon éducation et cette éducation, je la tiens autant de mon père que de ma mère. J’ai eu la chance de grandir dans une famille qui pouvait admettre qu’un fils de 22 ans parte à l’autre bout du monde risquer sa vie pour une cause et par goût de l’aventure. L’ambiance familiale m’a donné la liberté d’aller jusqu’au bout de mon engagement.
Q : Dans votre livre, vous expliquez votre engagement par des valeurs chrétiennes et anti-communistes. Vous étiez un jeune homme lorsque vous êtes parti vous engager dans les milices chrétiennes du Liban. L’idéal d’aventure faisait-il partie de vos motivations ?
R : Oui évidemment, c’était même la principale raison de mon départ pour le Liban. Vous savez, ma mère avait organisé l’évasion de mon père de la prison de la santé en 1962 et quand elle me le racontait, elle ajoutait toujours : « on s’est quand même bien amusé ! ». Cela prouve que dans ma famille, la recherche de l’aventure a toujours été un leitmotiv important. Si j’étais né 30 ans en arrière, j’aurais été un soldat vivant l’aventure dans les colonies. Mais à mon époque comme encore aujourd’hui par ailleurs, l’entrée dans l’armée ne signifie plus grand-chose. La guerre est devenue politique. Or l’armée française refuse la mutation du simple soldat en être politiquement conscient. Dès lors, la défaite à long terme est la seule issue.
Q : Le Liban constitue donc votre premier engagement militaire volontaire ; vous entrez dans les milices chrétiennes unifiées. Via quel réseau êtes-vous entré en contact avec les forces libanaises ?
R : Je suis entré au Liban dans le but de faire mon service national dans le cadre de la coopération. Je n’y suis pas allé spécialement pour me battre, mais une fois là-bas, alors que j’étais professeur au lycée de Beyrouth, j’ai rencontré un de mes collègues alors professeur de gym. Il était libanais et immédiatement, je l’ai apostrophé en lui disant qu’il avait une tête de combattant des forces libanaises, et en effet, il l’était ! A la suite de ça, il m’a fait rencontrer son chef de caserne, et 3 ou 4 mois après mon arrivée au Liban, je m’engageais militairement ; mon emploi du temps de professeur me le permettait. Au début, les Libanais souhaitaient m’utiliser dans leur service de renseignement afin d’espionner des personnalités françaises, mais ce travail me dégoutait ; je n’étais pas là pour ce genre de choses. Finalement, je suis devenu officier d’artillerie  pendant 10 mois, puis j’ai rejoint les commandos de l’artillerie libanaise durant 9 mois, avant de repartir pour la France.
Q : A combien de mouvements de résistance avez-vous militairement participé ?
R : J’ai eu deux engagements militaires dans ma vie : le Liban et quelques opérations au Nicaragua. Dans les autres cas (Croatie, Salvador, Birmanie…), je me suis contenté d’actions de soutien aux populations et aux combattants.
Q : Qu’appelez-vous « soutien aux combattants » ?
R : J’ai envoyé pas mal de volontaires en Croatie (10-12 personnes) et au Liban (5-6 personnes) pour combattre. Seulement, il s’agissait d’un réseau personnel, rien de structuré. A côté du convoyage de volontaires, j’ai aussi participé à l’acheminement de matériels militaires. Au Nicaragua par exemple, Chrétienté-Solidarité a payé de l’équipement militaire de base comme des bérets et des gourdes. En Croatie, nous avons pris en charge des blessés.
Q : Vous avez choisi vos luttes généralement parmi les peuples abandonnés de tous. Avez-vous remarqué des liens, des réseaux de volontaires entre ces peuples ?
R : J’ai essayé avec quelques autres d’organiser un congrès international des résistances. J’ai même voulu demander à Reagan de se joindre à nous ; c’est le seul président des Etats-Unis à avoir soutenu les résistances anti-communistes. J’aurais aimé créer des liens entre les résistances d’Asie, d’Amérique du Sud, du Moyen-Orient et d’Europe. Mais il semble que le danger ne constitue pas une motivation suffisante pour lier des guerriers aussi différents.
Q : Dans votre livre, vous citez de nombreuses fois l’action de l’Eglise catholique dans le combat des rebelles. Avez-vous rencontré un réseau de volontaires organisé par l’Eglise catholique ?
R : Malheureusement non ! L’Eglise catholique romaine n’a jamais voulu participer, même de loin, à l’organisation de réseaux de volontaires. De temps en temps, un ou deux évêques ont pu nous apporter leur soutien moral voire un peu plus… Les Eglises maronite et orthodoxe ont été plus actives, en particulier au Liban. J’aurais bien sûr apprécié d’y intervenir, en accord avec Rome.
Q : Existe-t-il encore des mouvements de résistance dont vous vous sentez proche ?
R : Oui bien sûr, mais je suis trop vieux pour participer à de nouvelles batailles. Encore aujourd’hui , il reste 5 pays communistes en Asie qui ne sont pas vraiment libres et le reste du monde est plein de mouvements de résistance contre des régimes anti-démocratiques qui laissent rêveur…
Q : Toute votre vie, vous avez combattu le communisme. L’islamisme intégriste est-il le remplaçant idéologique contre qui  devront lutter les nouvelles générations de volontaires résistants ?
R : Evidemment, il y a des similitudes. Le XXe siècle a été celui de la lutte contre le communisme. J’ai peur que le XXIe siècle soit celui de la lutte contre l’Islam conquérant. De nombreux conflits locaux et régionaux opposent des forces islamiques à des peuples qui ne les acceptent pas. On en a un très bon exemple au Mali. Je n’ai pas envie d’abandonner ces peuples.
Q : Vous êtes un membre important du Front National, parti français d’extrême droite. Celui-ci a-t-il soutenu activement votre action guerrière ou simplement votre action de soutien ?
R : Je n’admets pas ce qualificatif « d’extrême droite » ; il n’évoque rien pour moi. Au-delà de cette remarque, je ne peux répondre de manière précise. Des membres du FN m’ont soutenu, mais jamais l’appareil du parti lui-même. C’est parfois à l’intérieur du parti que j’ai trouvé des gens prêts à me suivre au Liban ou en Croatie. C’est avec Alain Sanders que j’ai créé les comités Chrétienté-Solidarité ; il n’était pas membre du FN, mais sympathisant.

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