“Les villes, que nous habitons, sont les écoles de la mort, parce
qu’elles sont inhumaines. Chacune est devenue le carrefour de la rumeur
et du relent, chacune devenant un chaos d’édifices, où nous nous
entassons par millions, en perdant nos raisons de vivre. Malheureux sans
remède nous nous sentons bon grè mal grè engagés le long du labyrinthe
de l’absurde et nous n’en sortirons que morts, car notre destinée est de
multiplier toujours, à seule fin de périr innombrables. A chaque tour
de roue, le prix des terrains monte et dans le labyrinthe engloutissant
l’espace libre, le revenu du placement élève, au jour le jour, un cent
de murs. Car il est nécessaire que l’argent travaille et que les villes,
que nous habitons, avancent, il est encore légitime qu’à chaque
génération, leurs maisons doublent d’altitude et l’eau vînt-elle à leur
manquer un jour sur deux. Les bâtisseurs n’aspirent qu’à se soustraire à
la destinée, qu’ils nous préparent, en allant vivre à la campagne.”
Albert Caraco, Bréviaire du chaos, édition l’Age d’homme, Lausanne, 1999
Albert Caraco, Bréviaire du chaos, édition l’Age d’homme, Lausanne, 1999
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