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8/21/2014

Histoires affligeantes. La Conjuration Ridicule des Nigauds - Part II

Le Président à Boulogne sur Mer © Sabine

PART II (extraits)


À l'échancrure de la rue d'Assas, Falstaff s'arrêta, soufflant comme un buffle. Le sport n'avait jamais été une envie... moins encore une possibilité, même s'il avait longtemps collectionné des photos de lutte grecque sous son lit. Il fouilla la poche de son survêtement, réveilla le cliquetis de son porte-clefs et pris son portable qui vibrait délicieusement. Il l’ouvrit d'un bruit sec comme une culasse.

- "Grummmfff !!!... nous sommes connectés… c’est fait" hurlait Akaki Akakievitch Bachmatchkine au téléphone. Pour l'occasion, il avait fait l'effort d'une superbe coiffure Louis-Philipparde déjà plaquée par la sueur. Il voulait être digne au téléphone pour parler au "Président qui parle à visage découvert" comme il aimait dire.

 Falstaff raccrocha, tremblant, sorti une vielle reproduction d'un portrait à l'huile de son aïeul... drôle de blaze... le corps engoncé dans un uniforme fantoche de hussard... des traces de syphilis sur le visage... là où les autres portent des cicatrices... "Tu vois mon vieux... c'est le début de la charge." pensa-t-il, la poitrine gonflée à l'hélium. Qu'importe que son médecin lui ait prescrit de réguler ses émotions, il goûtait comme un hystérique le doux plaisir de pouvoir enfin insulter tout le monde. Il voyait là, le point final aux humiliations des cours de récréation... il sera un tyran beau et fort, il fera désapprendre les "fafa la mauviette", "couchez fafa", "lopette", 'couard'... il avait tout en mémoire... ça avait pourri au fond de lui... 60 kg de vase, c'est pas rien ! Y paieront les bagarreurs, les légionnaires en perm, les aventuriers duellistes, les séducteurs et les esthètes.

(...)

Falstaff passait maintenant des heures sur Internet, extirpant des pans entiers d'une culture qui lui échappait... il était le gardien du savoir de la « Conjuration Ridicule des Nigauds » dite officielle (terme adopté comme une provocation surréaliste… une référence)... attentif comme un teckel… abonné sur tout ce qui bouge. Tout le monde pouvait suivre son itinéraire comme on suit le chienchien de la dame pipi…en marchant sur ses crottes bourgeoises et quotidiennes. Il avait sacrifié ses vacances d'été sur la plage de Boulogne-sur-Mer avec d'autant plus de facilité que les embruns, comme le soleil, faisaient boursouffler sa peau rarement exposée aux intempéries. Sacrifice ! Voilà un grand mot pour remplir sa petite vie, sa légende. Tout ce dont il a toujours rêvé et que cette époque lui avait toujours refusé. Il pria rapidement Saint Arnaud - souvenir des seins blancs de Sabine la rousse - "donne-moi les honneurs" demanda-t-il.

(...)

Un matin, après une longue nuit sans sommeil, jaloux du monde comme d'habitude, il glissa du lit directement vers l'ordinateur... comme on se répand... deux clics et le monde s'offrait à sa détestation. Il s'esclaffa en voyant que son post : "Moi, Président de la Conjuration, je vous le dis, nous serons dix contre un pour mener notre grande entreprise", avait déjà deux amis... les photos d'Ignatius et d'Akaki apparurent sur l'écran au troisième clic... qu'importe ! "Dix contre un", c'était son cri de guerre, comme un hommage à Dumas. Il en était fier et imaginait fébrilement ses ennemis transis de trouille à sa seule lecture.

Un point attira son attention... un spot qui devint énorme. Quelqu'un avait mis un commentaire.

-"Président, avec un pet majuscule ?"

Fou de rage il prépara in peto une réplique qu'il voulait définitive : « nous existons par la volonté d’un acte administratif lopette ». Il décida d’y joindre une photo de lui à visage découvert (vacances à Boulogne sur Mer ©Sabine la Rousse) estampillée de son petit écu rose blasonné d'une épée pixellisée, comme on envoyait autrefois ses témoins pour un duel … Ce fut sa première bataille ! Virile et piquante comme son blason.










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