Rechercher dans ce blog

9/24/2015

Sergent Youri de Beketch, 2e BEP. Légion étrangère



“ Mon père, parti pour quelques jours, ne revint que quatre ans plus tard sous la forme brutale d’un coup de sirène, d’un télégramme officiel et d’une malle métallique marquée « Sergent Youri de Beketch, 2e BEP. Légion étrangère ».
Le coup de sirène est le signal codé « urgence médicale au poste sécurité » qui convoqua ma mère à l’entrée de l’établissement du ministère de l’Air où elle s’était engagée comme infirmière et dans l’enceinte duquel nous vivions. Le télégramme officiel est l’annonce du décès de mon père « mort pour la France, mort au champ d’honneur », que lui remirent deux gendarmes, et la malle vint matérialiser ces deux actes quelques jours plus tard.
Deux soldats appelés la livrèrent avec la lente componction des déposeurs de gerbe à l’Arc de Triomphe, au milieu de la pièce qui servait de salon, de salle à manger et de chambre maternelle dans notre petit logement de fonction.Lorsqu’on l’ouvrit, son contenu (quelques vêtements, un képi blanc, un vieil étui vide de Leica et un début de journal qui n’avait pas dépassé le premier jour d’incorporation de mon père à Marseille) laissa monter dans la pièce une odeur venue d’un autre monde. Une odeur de moisissure humide, étrange et délicieuse, qui est restée pour moi, à jamais, le parfum même de l’aventure, de l’Indochine et de la mort glorieuse.
Ainsi appris-je, un jour de juillet, à sept ans et demi, que l’homme dont je gardais l’image ensoleillée et que ma mère avait vu se diluer dans l’obscurité à la gare de Montpellier, un soir de novembre 1949, avait été finalement mêlé à la terre de Dien Bien Phu par un obus de mortier, le 19 avril 1954, moins de trois semaines avant le cessez-le-feu marchandé par un descendant de trafiquant d’esclaves, un Mendès de passage en France, qui avait vendu aux communistes ce morceau d’Empire pour lequel cent mille jeunes hommes étaient morts.”
Serge de Beketch

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire