Son nom est délicieusement méconnu. Nous l’avons pourtant tous distraitement vu défiler au générique de Plein Soleil
(René Clément), du Signe du Lion (Rohmer) ou des Cousins (Chabrol).
Romancier, dialoguiste surdoué, complice de Rohmer et surtout de
Chabrol, Paul Gégauff fut quelqu’un d’ excessif en tout – femmes
(souvent très jeunes), alcool (rituel premier verre devant Des chiffres
et des lettres), nuits (courtes et épicées), opinions (excessives et
tranchées)…
Alors que la nouvelle vague n’est
pas encore née, ses futurs éminents représentants se trouvent rapidement
fasciné par un obscur personnage de roman, rompu au dilettantisme et à
toutes espèces de provocation, le genre d’être davantage enclin à vivre
de présent et de plaisir que de « bonheur » et de conformisme. Sacré
Paul Gégauff… Alsacien, salaud, scélérat, surtout « dandy »; au delà des
coutures et du mythe, plutôt dans l’emphase et les principes. Sa
véritable œuvre, c’est sa vie. Il a déjà publié, jouit de tous les
mauvais coups, toise ces bourgeois cinéphiles en quête de sensation,
d’injustice et de romanesque. Paresseux jusqu’à l’excès, virevoltant
jusqu’à plus soif, aucun vice ne l’épargne. Une rumeur tenace rapporte
qu’il serait le véritable initiateur-instigateur du diners de cons. Il
profitera du 7ème art pour flamber quelque temps, lever du coude, des
actrices, déniaiser les joyeux lurons estampillés nouvelle vague, donner
une bonne raison aux indignés de s’émousser et accessoirement
scénariser quelques uns des meilleurs films de l’époque.
A part ceux qui en ont un jour
entendu parler, qui sait de qui il s’agit ? Alors que sa personnalité,
son phrasé et ses frasques ont inspiré Godard, Chabrol ou Rohmer, qu’il
possède tous les attributs du personnage mythique, que sa gouaille
recèle de virtuosités insoupçonnés, il demeure inconnu. A croire que
tous s’y sont mis pour gommer sa souterraine et sulfureuse influence.
Les gardiens de mémoire ont fait le ménage. Tout a été très proprement
rangé sous le tapis. L’ombre même se faisait encombrante. ç’aurait pu
être un de ces scénarios, mais la réalité, dans sa majestueuse ironie,
le rattrape un soir de noël 1983, en Norvège: « Assassine moi si tu
veux, mais ne m’emmerde pas » . Sa jeune épouse le prend au mot et le
poignarde de trois coups de couteau… Rideau.
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