« Sur le bord de la route, un motocycliste me fait des signaux de
détresse. Casqué de cuir, il ressemble à un soldat romain égaré dans le
pays de Germanicus et qui aurait perdu sa légion. – Panne d’essence, me
dit-il. – Pourriez-vous me prêter un bidon ? Sinon je vais manquer
l’ouverture du Götterdämmerung, ajoute d’une voix angoissée ce
motocycliste mélomane.
Il est si sale, si fatigué, si poli, son “outil” est si vieux, si réparé, que je m’attendris et que j’ouvre mon réservoir. Qui dira encore que les musiciens ne s’aiment pas ? Je me dois d’aider l’Allemagne, sinon par des crédits, du moins par du carburant… Mais voilà que l’homme ôte son casque, essuie sa figure ! Je reconnais le prince W.
Il y a quinze ans, W. était le diplomate le plus élégant de Londres. Conseiller de l’ambassade de Russie, uniforme de la noblesse, toque de zibeline, croix de Saint-André avec brillants, loge à Covent Garden, etc. Aujourd’hui, le prince W. est pauvre, ruiné, exproprié, mais il est resté amateur de Wagner ; l’été, il voyage à pied, ou bien, quand il a gagné quelque argent dans les fermes, il s’achète une bicyclette ou une vieille moto. » Paul Morand
Il est si sale, si fatigué, si poli, son “outil” est si vieux, si réparé, que je m’attendris et que j’ouvre mon réservoir. Qui dira encore que les musiciens ne s’aiment pas ? Je me dois d’aider l’Allemagne, sinon par des crédits, du moins par du carburant… Mais voilà que l’homme ôte son casque, essuie sa figure ! Je reconnais le prince W.
Il y a quinze ans, W. était le diplomate le plus élégant de Londres. Conseiller de l’ambassade de Russie, uniforme de la noblesse, toque de zibeline, croix de Saint-André avec brillants, loge à Covent Garden, etc. Aujourd’hui, le prince W. est pauvre, ruiné, exproprié, mais il est resté amateur de Wagner ; l’été, il voyage à pied, ou bien, quand il a gagné quelque argent dans les fermes, il s’achète une bicyclette ou une vieille moto. » Paul Morand
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