"Voluptés du labeur ! La journée avec le
troupeau est finie. Le pain a été gagné. Le bon ouvrier des mots a
endossé les vieux habits du vrai travail, il ouvre son col, il retrousse
ses manches. Sous la lampe sage et fidèle, seul surgit des ombres
l’établi : les livres en piles bousculées, le papier vierge et net, la
théière, la miche de seigle, les pipes, les cigarettes étalées, vingt
petites cartouches blanches pour le plus fort du combat. Huit heures
devant soi jusqu’au terme de la nuit, vaste et appétissante tranche de
temps, huit heures où l’on ajoutera peut-être une phrase, une page même à
la littérature française. La mansarde est chaude. Les autres sont à
leurs femmes, à la musique, aux spectacles. Mais l’écrivain à sa tâche
peut mépriser les plus nobles plaisirs. Savoureuse solitude, apprêts
délectables."
Les Deux Étendards - Lucien Rebatet
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