« La lecture est un refuge par temps de laideur. -Les livres
: bunkers de papier. Ils nous offrent d’échapper à cet impératif de la
modernité, ce nouveau commandement des sociétés transparentes : « Être
joignable. » Rester joignable est une injonction que l’on devrait
réserver aux détenus en liberté conditionnelle, aux porteurs de
bracelets électroniques. Lire, c’est le contraire : on se coupe, on
s’isole, on s’installe dans l’histoire et, si elle vous captive, le
monde peut s’écrouler. Les seules personnes joignables, ce sont l’auteur
et le lecteur. L’un parle : sa voix parvient parfois du fond des âges
ou de très loin dans l’espace. L’autre reçoit cinq sur cinq. La
communication est parfaite, ça capte !
Tout lecteur est
coupable de préférer le commerce de ses petites stèles de papier au
contact avec ses semblables. Le spectacle est réjouissant de ces gens
enfouis dans leur livre. Ils l’ouvrent, le monde se ferme.
Un général
chouan est allé à la mort ainsi. Il était debout sur la charrette, la
foule le conspuait, lui lisait. Au pied de l’échafaud, avant de monter
les marches vers la guillotine, il a corné la page ! »
Sylvain Tesson
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