Depuis les combats acharnés de la guerre du Liban
au sein des phalanges chrétiennes, dans une impressionnante fresque
historique, la vie de Thibaut de La Tocnaye épouse étroitement les
cahots de la seconde partie du XXe siècle.
Tour à tour officier volontaire, pourvoyeur de
jeunes soldats français avides de gloire, témoin privilégié des combats,
dirigeant d’association et grand ami de figures historiques des
rébellions du XXe siècle, il a côtoyé ces hommes dont les victoires et
les défaites ont redessiné la carte du monde : le général Ante Roso,
ancien de la légion étrangère devenu général en chef des forces croates
dans la Krajina, Béchir Gemayel, commandant en chef des forces
libanaises puis président de la République libanaise, Alfredo Cristiani
et Roberto d’Aubuisson, les vainqueurs de la guerre civile
salvadorienne…
Son attachement aux résistants se lit dès les premières lignes de son ouvrage Les peuples rebelles ; il le dédicace : « A mes compagnons des résistances du monde entier, tombés pour la défense de leur terre et de la liberté ».
Le fils d’Alain de La Tocnaye, membre de l’OAS
et responsable de l’attentat du Petit-Clamart dans lequel Charles de
Gaulle aurait dû trouver la mort, a bien voulu répondre à nos questions
et détailler ce que furent ses engagements.
Q : Vous avez eu un itinéraire à part dans le
monde du volontariat et du soutien aux résistances. Avez-vous été
inspiré par le parcours de votre père ?
R : Forcément, quand on est le fils d’Alain de
la Tocnaye, l’homme qui a essayé de tuer un président de la République,
on se forge une personnalité à part, on acquiert certaines libertés.
Mais au-delà de mon père, chaque décision que j’ai prise dans ma vie a
été influencée par mon éducation et cette éducation, je la tiens autant
de mon père que de ma mère. J’ai eu la chance de grandir dans une
famille qui pouvait admettre qu’un fils de 22 ans parte à l’autre bout
du monde risquer sa vie pour une cause et par goût de l’aventure.
L’ambiance familiale m’a donné la liberté d’aller jusqu’au bout de mon
engagement.
Q : Dans votre livre, vous expliquez votre
engagement par des valeurs chrétiennes et anti-communistes. Vous étiez
un jeune homme lorsque vous êtes parti vous engager dans les milices
chrétiennes du Liban. L’idéal d’aventure faisait-il partie de vos
motivations ?
R : Oui évidemment, c’était même la principale
raison de mon départ pour le Liban. Vous savez, ma mère avait organisé
l’évasion de mon père de la prison de la santé en 1962 et quand elle me
le racontait, elle ajoutait toujours : « on s’est quand même bien
amusé ! ». Cela prouve que dans ma famille, la recherche de l’aventure a
toujours été un leitmotiv important. Si j’étais né 30 ans en arrière,
j’aurais été un soldat vivant l’aventure dans les colonies. Mais à mon
époque comme encore aujourd’hui par ailleurs, l’entrée dans l’armée ne
signifie plus grand-chose. La guerre est devenue politique. Or l’armée
française refuse la mutation du simple soldat en être politiquement
conscient. Dès lors, la défaite à long terme est la seule issue.
Q : Le Liban constitue donc votre premier
engagement militaire volontaire ; vous entrez dans les milices
chrétiennes unifiées. Via quel réseau êtes-vous entré en contact avec
les forces libanaises ?
R : Je suis entré au Liban dans le but de faire
mon service national dans le cadre de la coopération. Je n’y suis pas
allé spécialement pour me battre, mais une fois là-bas, alors que
j’étais professeur au lycée de Beyrouth, j’ai rencontré un de mes
collègues alors professeur de gym. Il était libanais et immédiatement,
je l’ai apostrophé en lui disant qu’il avait une tête de combattant des
forces libanaises, et en effet, il l’était ! A la suite de ça, il m’a
fait rencontrer son chef de caserne, et 3 ou 4 mois après mon arrivée au
Liban, je m’engageais militairement ; mon emploi du temps de professeur
me le permettait. Au début, les Libanais souhaitaient m’utiliser dans
leur service de renseignement afin d’espionner des personnalités
françaises, mais ce travail me dégoutait ; je n’étais pas là pour ce
genre de choses. Finalement, je suis devenu officier d’artillerie
pendant 10 mois, puis j’ai rejoint les commandos de l’artillerie
libanaise durant 9 mois, avant de repartir pour la France.
Q : A combien de mouvements de résistance avez-vous militairement participé ?
R : J’ai eu deux engagements militaires dans ma
vie : le Liban et quelques opérations au Nicaragua. Dans les autres cas
(Croatie, Salvador, Birmanie…), je me suis contenté d’actions de soutien
aux populations et aux combattants.
Q : Qu’appelez-vous « soutien aux combattants » ?
R : J’ai envoyé pas mal de volontaires en
Croatie (10-12 personnes) et au Liban (5-6 personnes) pour combattre.
Seulement, il s’agissait d’un réseau personnel, rien de structuré. A
côté du convoyage de volontaires, j’ai aussi participé à l’acheminement
de matériels militaires. Au Nicaragua par exemple, Chrétienté-Solidarité
a payé de l’équipement militaire de base comme des bérets et des
gourdes. En Croatie, nous avons pris en charge des blessés.
Q : Vous avez choisi vos luttes généralement
parmi les peuples abandonnés de tous. Avez-vous remarqué des liens, des
réseaux de volontaires entre ces peuples ?
R : J’ai essayé avec quelques autres d’organiser
un congrès international des résistances. J’ai même voulu demander à
Reagan de se joindre à nous ; c’est le seul président des Etats-Unis à
avoir soutenu les résistances anti-communistes. J’aurais aimé créer des
liens entre les résistances d’Asie, d’Amérique du Sud, du Moyen-Orient
et d’Europe. Mais il semble que le danger ne constitue pas une
motivation suffisante pour lier des guerriers aussi différents.
Q : Dans votre livre, vous citez de nombreuses
fois l’action de l’Eglise catholique dans le combat des rebelles.
Avez-vous rencontré un réseau de volontaires organisé par l’Eglise
catholique ?
R : Malheureusement non ! L’Eglise catholique
romaine n’a jamais voulu participer, même de loin, à l’organisation de
réseaux de volontaires. De temps en temps, un ou deux évêques ont pu
nous apporter leur soutien moral voire un peu plus… Les Eglises maronite
et orthodoxe ont été plus actives, en particulier au Liban. J’aurais
bien sûr apprécié d’y intervenir, en accord avec Rome.
Q : Existe-t-il encore des mouvements de résistance dont vous vous sentez proche ?
R : Oui bien sûr, mais je suis trop vieux pour
participer à de nouvelles batailles. Encore aujourd’hui , il reste 5
pays communistes en Asie qui ne sont pas vraiment libres et le reste du
monde est plein de mouvements de résistance contre des régimes
anti-démocratiques qui laissent rêveur…
Q : Toute votre vie, vous avez combattu le
communisme. L’islamisme intégriste est-il le remplaçant idéologique
contre qui devront lutter les nouvelles générations de volontaires
résistants ?
R : Evidemment, il y a des similitudes. Le XXe
siècle a été celui de la lutte contre le communisme. J’ai peur que le
XXIe siècle soit celui de la lutte contre l’Islam conquérant. De
nombreux conflits locaux et régionaux opposent des forces islamiques à
des peuples qui ne les acceptent pas. On en a un très bon exemple au
Mali. Je n’ai pas envie d’abandonner ces peuples.
Q : Vous êtes un membre important du Front
National, parti français d’extrême droite. Celui-ci a-t-il soutenu
activement votre action guerrière ou simplement votre action de
soutien ?
R : Je n’admets pas ce qualificatif « d’extrême
droite » ; il n’évoque rien pour moi. Au-delà de cette remarque, je ne
peux répondre de manière précise. Des membres du FN m’ont soutenu, mais
jamais l’appareil du parti lui-même. C’est parfois à l’intérieur du
parti que j’ai trouvé des gens prêts à me suivre au Liban ou en Croatie.
C’est avec Alain Sanders que j’ai créé les comités
Chrétienté-Solidarité ; il n’était pas membre du FN, mais sympathisant.
Source: http://etudesgeostrategiques.com
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