« Le monde, que nous habitons, est dur, froid, sombre, injuste et méthodique, ses gouvernants sont ou des imbéciles pathétiques ou de profonds scélérats, aucun n'est plus à la mesure de cet âge, nous sommes dépassés, que nous soyons petits ou grands, la légitimité paraît inconcevable et le pouvoir n'est qu'un pouvoir de fait, un pis-aller auquel on se résigne. Si l'on exterminait, de pôle en pôle, toutes les classes dominantes, rien ne serait changé, l'ordre instauré voilà cinquante siècles n'en serait même pas ému, la marche à la mort ne s'arrêterait plus un seul jour et les rebelles triomphants n'auraient plus que le choix d'être les légataires des traditions caduques et des impératifs absurdes. La farce est terminée, la tragédie commence, le monde se fera toujours plus dur, plus froid, plus sombre et plus injuste, et malgré le chaos envahissant, toujours plus méthodique : c'est même l'alliance de l'esprit de système et du désordre qui me paraît son caractère le moins contestable, jamais il ne se verra plus de discipline et plus d'absurdité, plus de calcul et plus de paradoxes, enfin plus de problèmes résolus, mais résolus en pure perte. »
Albert Caraco, Bréviaire du chaos, L'Âge d'Homme
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